musée du diocèse de lyon

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Marguerite Epinat

(1734-1794)

Une mystique forézienne au XVIIIè siècle

 

 

Marguerite Epinat (1734-1794), née et morte à Renaison, issue d'une famille de petits vignerons de la côte roannaise, fût restée inconnue si plusieurs prêtres de son temps, témoins d'une vie surprenante et admirable, ne nous avaient laissé la trace de leurs réflexions.

 

Enfant sérieuse et pieuse, elle put, grâce à un petit bien hérité des siens, consacrer son existence à la prière et aux œuvres de charité. La guérison publique, subite, définitive et aujourd'hui encore inexplicable, d'une longue et durable infirmité, au cours d'une communion, amena son curé à s'occuper d'elle davantage. Il n'en devint que plus perplexe, car des faits étonnants lui étaient rapportés, ou se produisaient sous ses yeux : odeurs suaves et inexplicables, communions mystérieuses. Il demanda conseil à un professeur du séminaire Saint-Irénée, qui n'était autre que M.Emery, célèbre, un peu plus tard, comme véritable directeur de conscience du clergé français au moment du Concordat. Celui-ci conseilla la prudence et recommanda surtout de prendre l'obéissance de la pénitente comme pierre de touche d'une authentique spiritualité.

 

Cela ne faisait pas difficulté et, jusqu'à sa mort, Marguerite Epinat suivit un règlement personnel de vie, exigeant mais raisonnable, occupé par la prière et l'adoration, les tâches de la vie quotidienne et les œuvres de charité, soumise à son curé et à son confesseur.

 

Ces derniers furent toujours édifies par leur pénitente, qui enfouissait dans l'obscurité les faits surprenants dont elle était le sujet, mais qui surtout, outre sa vie de rude ascèse, faisait preuve d'une étonnante sûreté doctrinale. Quant à sa


vie spirituelle, elle-même des plus orthodoxes, elle se fondait, dans la ligne de l'Ecole française, sur la participation aux souffrances du Christ, y ajoutant seulement la dévotion au Sacré Cœur, qui commençait tout juste de se répandre au large à partir de Paray-le-Monial. Enfin, un don de conseil et de clairvoyance dans la lecture des âmes impressionnait ceux qui l'approchaient.

 

Sous la Révolution, elle soutint naturellement le clergé réfractaire, et fut assez malmenée par le parti avancé de Renaison. Elle passa même quelques jours en prison. Si, à la lettre, elle n'en mourut pas, il n'est pas douteux que sa fin en fut hâtée.

 

Un peu plus tard, les vicaires généraux du cardinal Fesch, M.Cholleton, et surtout le sévère M.Courbon, s'intéressèrent à sa mémoire, et s'informèrent. Malheureusement, elle était l'objet de dévotion chez les anti-concordataires du Brionnais, les « Bleus » et la crainte d'une confusion dissuada M.Courbon d'aller plus loin, sans entamer sa conviction personnelle de la sainteté de Marguerite Epinat, qu'il priait en son particulier, et dont le souvenir mérite d'être conservé.

 

Il nous rappelle en effet que, si le siècle des Lumières fut un temps d'impiété, il fut aussi celui où le catholicisme réformé au siècle précédent atteignit les profondeurs de la population française, et prit chez nous le visage que nous lui avons encore connu.

 

Henri HOURS

Eglise à Lyon, 1992, n°

 

 

(d'après P.Vial. Marguerite Epinat, 1734-1794, Lyon, éd.Lugd, 1989)